Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
Les porcins
La moitié nord de la France était autrefois peuplée de grands porcs blancs à oreilles tombantes, appelés porcs celtiques, par opposition à ceux de la moitié sud, noirs ou pie-noir, plus légers, dits de type ibérique. On distinguait un grand nombre de races régionales, dont la Vendéenne, la Bretonne,la Normande et la Craonnaise. Le porc n’échappa pas, au XIXe siècle, au croisement avec des races anglaises, qui n’eut pas la même ampleur que chez les bovins et les ovins. Il en résulta toutefois dans l’Ouest une nouvelle race, issue du croisement de porcs de pays avec le Berkshire, le Porc de Bayeux, taché de noir, qui se caractérisait notamment par une prolificité améliorée. Le Normand et le Craonnais bénéficièrent tous les deux d’une sélection efficace, qui leur permit dans un premier temps de conserver une place dans le processus d’industrialisation de l’élevage. Celui-ci fit largement appel à la race anglaise Large-White, introduite en France à partir des années vingt dans le sud du Bassin parisien et dont le développement en tache d’huile ne s’interrompit pas, et au Landrace Danois, introduit peu après. Le Normand et le Craonnais réunirent leurs forces en fusionnant sous le nom de Porc Blanc de l’Ouest mais, dans la décennie 1970, ce dernier finit par être abandonné des schémas de croisement industriel, faute d’une prolificité suffisante, et ses effectifs s’effondrèrent.
Aujourd’hui, le Porc Blanc de l’Ouest, dont les effectifs sont de l’ordre de 150 truies, tente, notamment en région Pays de la Loire – où il n’a pas encore repris son ancien nom de Craonnais –, de survivre en attendant qu’une filière de charcuterie-salaison haut de gamme lui offre un intéressant créneau de valorisation.
Les derniers porcs celtiques du nord de la France
En raison de divergences dans les objectifs et la stratégie de développement de ses éleveurs, le Porc de Bayeux s’est partagé en deux composantes : le Bayeux proprement dit, qui dérivait du croisement Normand et Berkshire, et le Bayeux-Longué, obtenu plutôt à partir du Craonnais et du Berkshire. Le Porc de Longué est donc ligérien. Ses effectifs sont faibles – une soixantaine de truies – mais il bénéficie d’une assez bonne valorisation à la ferme chez ses éleveurs.
Notons que le Blanc de l’Ouest et, en partie, le Bayeux, sont tout ce qui reste de l’ancienne population de porcs celtiques de la moitié nord de la France.
Truie Porc Blanc de l’Ouest, photographie réalisée chez Guillaume Vasseur, Lavare, Sarthe.
Photo du haut : Truie Porc Blanc de l'Ouest, photographie réalisée chez René et Françoise Chevallier, Finistére, Bretagne.
Bien que l’on associe volontiers l’histoire des races de chevaux à «des croisements ininterrompus depuis fort longtemps», la réalité n’est pas aussi simple. Il est exact que, surtout depuis la création des Haras par Colbert, la politique officielle fut d’aller chercher là où ils existaient, notamment à l’étranger, des chevaux de plus grand format que ceux que l’on trouvait en France, afin de mieux répondre aux besoins de l’armée. Des arguments scientifiques, émanant de Buffo puis de Bourgelat (le fondateur des Écoles vétérinaires), allaient dans le même sens, au nom de la nécessité de «rafraîchir» le sang pour éviter la «dégénérescence». Il n’empêche qu’une suffisante inertie avait permis de conserver dans les campagnes des populations régionales, qui devaient souvent ressembler à des animaux de type «Bidet», comme des photos du «Bidet breton» du début du XXe siècle nous permettent de l’imaginer. Certaines s’étaient toutefois affinées, par croisement avec l’Arabe surtout (chevaux du Limousin, de certaines zones de Vendée également); d’autres avaient pu être alourdies, comme le célèbre Percheron qui, au début du XIXe siècle, avait la réputation d’être un excellent cheval d’attelage mais était loin de son type actuel (les chevaux lourds tels que nous les connaissons aujourd’hui commencent d’émerger à la fin du XIXe siècle).
Une polémique née sous la Restauration, relative au croisement avec le Pur-sang anglais, dura plusieurs décennies. Les historiens n’ont pas hésité à parler de l’«anglomanie», à leur retour en France, des aristocrates émigrés en Angleterre à partir de 1789. Celle-ci revêtit de multiples facettes, notamment la promotion des races anglaises d’animaux domestiques, déjà évoquée à propos des bovins et des ovins. Dans le cas du cheval, le mouvement frôla malheureusement la caricature puisque le Pur-sang anglais, créé au XVIIIe siècle pour les courses et seulement pour elles, fut considéré par les Haras comme le «sang améliorateur par excellence» pour tous les types de chevaux, y compris les chevaux militaires et agricoles ! On imagine les résistances que cette opinion suscita… >>