Voilà cinq années, longues ou petites, peu m'importe ; J'ai fait connaissance de mes futurs amis éleveurs. Certains mieux que d'autres, ils m'ont invité à venir les rencontrer.
Et quelle rencontre.
Petit à petit, ils m'ont aidé à comprendre leur travail, leur famille, leurs soucis, leurs animaux.
J'ai d'abord cru que j'allais travailler sur eux, j'ai ensuite cru que j'allais travailler pour d'autres sur leurs pratiques, j'ai poursuivi en croyant que je travaillais pour les sauver de l'anonymat, puis après j'ai travaillé sur leurs animaux et enfin j'ai compris que je pouvais faire tout ça à la fois, mais j'avais mal compris. Alors j'ai arrêté de comprendre, j'ai fait les photos pour eux, pour d'autres, pour moi, un peu pour vous, pour rien, pour emmerder le monde, pour essayer de passer pour un photographe, pour de l'argent, pour passer le temps, pour draguer, pour faire joli, pour me promener… Puis après m'être un peu assagi sur la véritable identité du magnifique métier de photographe, j'ai réfléchi à pourquoi faire ?
J'avais en ma possession, la « plus grande » photothèque de vaches, j'avais fait des livres, quelques articles, des grandes affiches, une petite expo, j'avais plein de super potes avec qui on mange des trucs fantastiques, et on n'oublie jamais de boire un bon coup. J'allais de plus en plus aux réunions sérieuses sur les races, sur les biotopes, les problèmes de valorisation, la biodiversité, l'avenir.…Bref j'ai engrangé pendant ces cinq années de la matière brute prête à l'emploi. Je remercie tout d'abord mes oreilles qui ont la faculté de toujours entendre ce qu'il ne faut pas. Super pratique. On verra pour les autres mercis plus bas. Ecouter, je pense que c'est la première qualité qui m'a permis de faire ces photos, voir et prendre des photographies étant tout à fait secondaire ! Y'a pas d'image sans paysans et y'a pas d'animaux sans éleveurs. Donc si tu veux faire des photos, tu commences par essayer de comprendre ce que l'on te raconte et tu la boucles.
Malgré tout, « le nerf de la guerre » c'est l'argent. Donc, oublions les paysans, ils ont des choses bien plus essentielles à faire que de payer un photographe. De toute façon oublions l'argent tout court, c'est hors sujet. Le principal c'est d'être vivant. Et pour ma part ça va.
Bon, ces photos : elles sont la somme de mes regards et de mon respect pour des gens qui m'ont fait confiance.
Forcément, les éleveurs, des gens adorables bourrés de savoir-faire et de bonne volonté, usés par leurs conditions et les faibles revenus que procurent leur soixante dix heures de travail quotidien en période creuse. Ils sont coupables de m'avoir donné envie de faire leur métier tout en étant incapable de le faire. Laurent, JEANNOT, Joël, Christian, Mathieu, François, Papa Francise, Geneviève, Laurent (un autre), Bernard, « Pierre, Paul, Jacques » non Jacques c'est mon père, Claudine, Jean-Mi, Philippe, Charles, Annie, Annie c'est belle-Maman, Norbert, Patrick, Laurent, Véronique, Joseph, Jacky, Olivier, Olivier, Céline et Christophe, Christophe, Armelle, Stéphane, Franck, tous les autres éleveurs que j'ai eu la chance de rencontrer.
Je les aime.
Les autres, qui connaissent très bien les animaux mais qui n'en vivent pas. Au début, je ne pouvais pas les voir et en plus ils critiquaient mes photos ! allez donc. Enfin avec un peu d'eau dans mon vin ça a été de mieux en mieux. Et en plus maintenant il aime bien mes photos car il y trouve un peu de sens. Super. Faut dire que lui, il est responsable de « tout ». 40 ans qu'il les sauve les bestioles et presque tout seul. Chapeau Laurent.
Ceux qui ne connaissent rien du tout aux animaux, mais qui les mangent. Alors eux en plus ils achètent mes photos et avec un peu d'effort commun y en a des sympas : la preuve vous.
Y'a aussi ceux qui veulent des photos pour s'en servir. Avec grand plaisir si vous m'aidez à continuer mon travail d'auteur, mais pas question si c'est pour la énième fois faire joli sur un emballage à la noix (poli). L'éthique ça aide à pas devenir trop con (je l'ai dit cette fois, désolé).
Enfin y a ceux qui me font confiance, est ce qu'il en reste encore ? oui, la preuve cette expo : elle m'a été offerte. Un premier petit bonhomme y a pensé. Merci Olivier, Pourquoi ? Après, y a un petit gars qu'a réussi à sortir toutes ces images en trois semaines grâce aux conseils de son maître zen, merci Mathieu. Le tout sous le haut patronage d'une super-woman. Merci Dahinden.
Bon, je vais peut-être vous lâcher un peu, histoire de vous laisser découvrir l'expo et surtout la biodiversité.
Au fait, Guillaume. Merci de m'avoir ouvert tes portes et prêter tes cimaises. A moi et à mes amis éleveurs, au travers leurs joyaux, malheureusement, on lâche pas une ferme avec des animaux comme on claque la porte d'une maison. En tout cas vous êtes tout excusés de ne pas être là, l'expo va se promener pendant trois ans, elle aura même des petits frères et des petites sœurs, peut-être elle reviendra à Paris plus tard en famille, mais là j'en sais rien. En attendant, elle passera bien près de chez vous et on rigolera un peu. Pour vous, je voulais vous dire ou me faire dire, enfin, y a un truc qui serait pas mal avec cette expo, c'est qu'on comprenne votre dévouement pour la conservation de ces animaux qui méritent tout autant le statut de PATRIMOINE que nos vieux châteaux.
« Vas-tu te taire ! » disait ma mère.
Ah oui je voulais vous dire, j'ai signé un nouveau contrat de cinq ans de photographe pour une grosse agence : Moi ! Sauf que maintenant va falloir que ça envoie un peu niveau boulot, car dans notre beau métier, une fois qu'on a ouvert une porte, y a des tas de parasites qui vous tombent dessus et moi je suis pas forcément en parfaite harmonie avec ce terroir là. J'ai trente ans, un métier, une maison, une femme. Et j'ai pas que ça à faire.
Merci d'être venu voir mon travail. Oui travail, c'est pas des vacances, photographe.
Mais c'est tellement génial.
Merci.
DECOUVRIR L'EXPOSITION
CONTEXTE DE LA DISPARTITION
CONTEXTE DU RENOUVEAU