Le Perche fut à la Beauce ce que la Provence est aux Alpes : le point de repli des troupeaux transhumants et le carrefour d’un commerce. Celui du Perche était orienté vers le marché de Poissy. Le mouton, même rustique comme cette brebis de race Roussin, est très sensible aux parasites qui colonisent son système digestif. Avant l’ère de la médecine vétérinaire, le seul remède résidait dans sa non-sédentarisation ; après les récoltes en Beauce, les bergers menaient pendant de longs mois dans les plaines des troupeaux tenus par des chiens, appelés sans doute « bergers beaucerons ». La culture était principalement réservée à la consommation humaine, et la paille servait pour les litières des animaux et les toits de chaume. Le mouton était ensuite chargé d’ingérer les résidus des produits agricoles, alimentation peu coûteuse, et son piétinement réalisait un déchaumage naturel ; enfin ses excréments apportaient la matière organique aux récoltes de l’année suivante.
Nous n’avons pas trace d’une spécificité d’un mouton « Percheron », le Perche étant une zone considérablement trop humide pour que le mouton s’y plaise à long terme. Néanmoins, selon les indications de Jean-Marc Moriceau*, ces troupeaux transhumants étaient régulièrement renouvelés par de multiples circuits d’échanges commerciaux : « C’est le cas pour les Berrichons de Faux, venus d’Auvergne, de la Marche ou du Limousin, ou pour les «Alençon», achetés dans le Saumurois et dans le Poitou par des marchands du Maine et du Perche pour les engraisser au grain avant de les vendre à Paris. » Cela impliquerait que le Perche n’était pas un pays de naisseurs, mais de croissance et d’engraissement au profit du commerce de la viande et surtout de la laine.
Le mouton Roussin qui vous est présenté ci-dessus est issu de la race qui peuplait autrefois la pointe de la Hague et les havres du Cotentin. Très rustique et de taille modeste, ses multiples origines sont susceptibles de l’apparenter aux populations qui traversaient le Perche.
D’une manière générale, pour le menu bétail et la basse-cour, compte tenu du fait qu’ils n’étaient pas des animaux de travail, leur cycle de vie très court, de l’ordre d’une année pour un cochon ou de quelques-unes pour une poule pondeuse, n’impliquait pas de sélection très ordonnée. Cependant, d’une manière empirique et dans une économie de subsistance, ils devaient être très adaptés autant aux conditions de vie paysanne difficiles qu’à un territoire néanmoins généreux.
* Jean-Marc Moriceau, Histoire et géographie de l’élevage français, Éditions Fayard, p.152.