Une vache Percheronne?
À la question « y a-t-il eu un bétail spécifiquement lié au territoire percheron », la réponse est oui ! Comme partout en France, et sans doute dans le monde, on désigne les animaux par leur appartenance géographique.
Avant le XVIIIe siècle et la généralisation des transports, il y eut certainement des influences marginales et temporaires sur les races introduites par l’aristocratie et la bourgeoisie commerçante lors de voyages ou de conquêtes. Mais la paysannerie, très pauvre et rarement propriétaire du bétail, fut contrainte la plupart du temps de sélectionner des animaux (en particulier des femelles, les mâles étant trop coûteux à entretenir), dont les besoins se conformaient avec les seuls moyens en sa possession.
L’adaptabilité des animaux au territoire était le seul facteur de survie des hommes.
En 1852, au premier comice cantonal de Nocé*, « la race bovine déclarée était dite Percheronne », on la stipule déjà mauvaise laitière et on évoque l’introduction de 10 % de sang issu du Cotentin… L’évocation ici du mot race est prématurée, mais cette absorption précoce des plus petites populations bovines comme la Percheronne ou la Cauchoise est tout à fait révélatrice des débuts des regroupements de cette « micro-géographie » de l’élevage sur des ensembles régionaux plus étendus propres au XIXe siècle. La Percheronne fait partie du rameau « Normand » qui, précurseur par l’évolution des pratiques et l’introduction d’animaux et de techniques anglo-saxons, donnera naissance 130 ans plus tard, en 1883, à la création du premier « herd-book** » français, celui de la race Normande.
L’animal présenté ici, nécessairement métissé pour avoir traversé des années de sélection, est issu d’un troupeau autochtone du Perche. Maurice Levier, propriétaire de ce dernier, a insidieusement et malgré différents croisements successifs avec les anciennes races Maine-Anjou et Saosnoise permis à quelques animaux de type Percheron d’arriver jusqu'à nous. Laurent Avon, spécialiste de la question en tant qu’ingénieur zootechnicien rattaché auprès de l’Institut de l’élevage à Paris, retrouve dans cette vache officiellement inventoriée de type Percheron au sein de la race Saosnoise, les morphotypes significatifs : « tâches rouge foncé, parfois un peu de noir, quelques picotures de rouge et noir dans le blanc ; membres colorés »***. Parmi les 1 200 animaux de la sauvegarde Saosnoise, on identifie moins de vingt animaux exprimant une partie de ces phénotypes.
En résumé, n’ayant donc jamais regroupé les conditions nécessaires à l’établissement d’une race : une organisation humaine, la définition d’un standard et l’établissement d’un schéma de sélection, on peut donc évoquer « la » population bovine Percheronne, mais parler de « race Percheronne » serait une dérive ethno-zootechnique, qu’aucun spécialiste ne se permet. Dans l’éventualité d’un mouvement de reconstruction du bétail Percheron, comptez environ trente ans de soutien à la relance de la Saosnoise afin d’étendre l’expression des différents potentiels de son génotype. Pendant et après cette première phase, tentez des croisements avec les races qui l’ont absorbée : Normande et Rouge des prés, pour faire ressortir des caractères cachés. Trier ensuite les phénotypes afin d’isoler ceux qui correspondent au bétail recherché. Alors, à partir de ces derniers animaux, après 50 ans d’efforts, reconstruisez entièrement une race qui n’a jamais existé.
* Michel Vivier, Cahier Percheron 91-4, édité par Les Amis du Perche, p.49.
** Comprendre « livre généalogie ».
*** Compte-rendu n° 010676 152, collection « Résultats », La race bovine Saosnoise, situation au 31 décembre 2006.