Iconographie, photographie et histoire des animaux domestiques et de leur terroir
À la faveur de la terre et de ses climats, l’homme moderne doit en partie son évolution à son ingénieuse association avec les animaux domestiques pour développer les « filières » agro-pastorales nécessairement adaptées à une économie de subsistance, et donc interdépendantes de l’unique ressource locale. Taillé dans les plus beaux herbages, le cheval Percheron est à ce titre l’incontestable vedette du Perche, mais bien avant lui, il y eut une vache et un cochon qui portèrent en leur nom ce même attachement au territoire. Les moutons étaient ici en repli avant de retourner vers la Beauce, l’âne, partout, était prêt à rendre le moindre service. Le Perche porte encore en lui la beauté d’une synergie, fruit de multiples conséquences parvenues jusqu’à nous par l’incroyable équilibre entre un territoire, des animaux et ses habitants qui ont su les apprivoiser, les façonner et les faire valoir.
Le Perche, c’est beau ! Étendues magnifiques, chemins creux ombragés, chevaux vigoureux, rivières rafraîchissantes, troupeaux tout en rondeur, lumières somptueuses, l’herbe pousse à profusion et le commerce passe et amène ses évolutions et ses capitaux depuis toujours. Les images et les textes que je vous propose sont une traduction de l’alliance entre ce paysage originel et notre empreinte immuable à travers nos savoir-faire.
Depuis trois ou quatre générations, notre imaginaire sur le passé s’érode et représente de moins en moins la réalité actuelle. Si nous souhaitons conserver le fragile équilibre constitué par ce patrimoine vivant, il est souhaitable que nous rendions aux seuls chevaux leurs oeillères.
Ici comme ailleurs, l’aménagement et le devenir des espaces ruraux sont immédiatement dépendants de l’activité humaine qui s’y développe. Le paysage façonné peu à peu, cet écosystème resté en partie intact dans le Perche, ne peut être préservé que par des projets viables financièrement. La nécessité d’encourager la biodiversité des animaux d’élevage est peut-être la résolution de la problématique écologique et économique de demain. L’évolution des conditions climatiques mondiales nous fait déjà apercevoir que le retour à des méthodes agricoles adaptées est décisif pour la survie des populations. Nous savons que l’émancipation et l’indépendance des pays du tiers-monde, actuellement « sous perfusion » des aides internationales, passeront par l’utilisation d’animaux – comme de cultures – dont la rusticité est parfaitement en adéquation avec des moyens adaptés à leurs territoires. Pourquoi est-ce si difficile à appliquer dans nos régions ?
Que voulons-nous pour le Perche de demain ? Selon les influences actuelles des marchés économiques, il y a fort à parier qu’augmenteront les surfaces par agriculteur, ce qui ne manquera pas de réduire son temps pour les contraintes agro-environnementales. L’autre alternative étant la « confiscation » des terres disponibles par le pouvoir d’achat des nouveaux arrivants, ce qui ainsi privera les éleveurs de terres nécessaires à l’extensification de leur exploitation… Ces formes de « violence » ne peuvent qu’entraîner une perte d’équilibre très dommageable. Il existe ailleurs de beaux exemples de concertation et de collaboration entre différents acteurs du territoire, même avec des préoccupations et des niveaux de vie très différents : l’arrivée des capitaux sur l’île de Jersey a failli y éradiquer l’élevage, sauvé in extremis par la compréhension des habitants de l’importance des animaux dans l’aménagement de l’espace. Le territoire de l’Aubrac est reconnu et visité en partie grâce aux transhumances des vaches de la race du même nom. Certaines stations de sports d’hiver alpines ont su maintenir l’élevage qui allie la production fromagère tournée en partie vers le tourisme et l’entretien de la montagne l’été par le pacage.
Le Parc naturel régional du Perche m’a demandé de réfléchir à la question des races locales et de l’élevage sur son territoire. Pendant trois mois, j’ai observé et écouté attentivement des éleveurs souvent inquiets, de simples résidents ou des touristes de passage, mais j’ai aussi recueilli et collecté les témoignages présents et passés des techniciens, chercheurs et historiens. La problématique de la valorisation du territoire est simple et directement observable : vaches, chevaux, ânes, cochons, moutons du terroir… sont des « outils » spécifiquement adaptés qui disparaîtront si l’on ne s’en sert pas.
Percherons, vous qui avez si bien su profiter de ces ressources multiculturelles que vous ont apportées tour à tour la France et l’Angleterre et les développer, cet héritage est précieux. Recherchez le partage d’objectifs communs qui doivent désormais donner lieu aux consultations, réflexions et décisions permettant de valoriser au mieux la ressource percheronne comme le lieu unique de multiples trésors. Pour conclure, notez bien que l’équation suivante n’est ni délocalisable ni utopique :
race locale + tradition d’élevage + marchés rémunérateurs = environnement préservé + pouvoir d’achat + tissu social actif.
En résumé, le message est clair : il faut soutenir la pratique de l’élevage en s’appuyant de préférence sur les races locales pour éviter que ces hommes et ces femmes qui ont fait le choix courageux de travailler un patrimoine vivant soient économiquement contraints de devenir de simples producteurs « animal ». Pour cela, chacun d’entre nous, s’il le souhaite, peut faire des choix de consommation orientés vers le durable et le local et ainsi agir sur ces filières d’avenir.