Pour chaque sortie, le fonctionnement est très simple à gérer. Chaque cocher amène deux chevaux, ce qui permet de ne pas figer des habitudes qui rendraient moins souple la manière de composer les attelées de deux ou trois chevaux. Ainsi personne n'est irremplaçable, et chacune bénéficie d'une expérience conséquente. Bénéfice indirect à noter : les cochers membres de l'association peuvent ainsi à chaque sortie former de bons chevaux d'attelage sans « perdre » de temps en y consacrant spécifiquement de longues journées. Utiles et agréables, les attelages des grandes marées produisent indirectement d'excellents chevaux de service dont chacun tire le bénéfice à la revente. Exceptionnellement ils accueillent et forment aussi des cochers extérieurs qui viennent parfaire ou valider des acquis qu'ils pourront transmettre ailleurs... Un atout global pour la filière cheval de travail.
Ce jour de printemps, les choses apparaissent clairement rodées. Le départ se prépare environ trois heures avant l'étale de basse mer, et selon les besoins, les cochers et leur groom préparent une, deux ou trois voitures - comme dit précédemment les attelages sont mixtes, un cheval n'est pas toujours mené par son propriétaire. Il faut compter environ une heure pour préparer les attelages : brosser les chevaux, les équiper, sortir les voitures... Par mesure de tranquillité et de sécurité, cette étape se fait en dehors de la zone d'accueil du public, ce n'est qu'après que les attelages arrivent à l'entrepôt de Gérard Macé et y prennent en charge les visiteurs. C'est ensuite par la route qu'ils rejoignent la longue plage de Gouville-sur-Mer. Cette étape est excellente pour les chevaux qui peuvent s'échauffer au long de ce petit kilomètre, avant que n'arrive la difficile traversée des sables secs et mous qui rendent pour les chevaux comme pour nous bipèdes, la traction bien plus difficile... L'entrée sur la plage se fait néanmoins dans un petit trot qui émerveille et donne le ton aux passagers stupéfaits de découvrir la puissance du cheval « animal de traction ».
La mer descend encore, les tracteurs s'agitent en tous sens pour rejoindre la zone ostréicole. Il est donc de bon ton de s'en éloigner pour se diriger dans un premier temps vers la zone de mytiliculture, où les chevaux iront, sabots dans l'eau, slalomer entre les pieux des bouchots. Selon la météo, les cochers enfouissent plus ou moins les voitures dans la mer. Ce jour-ci, froid et pluvieux avec des vagues irrégulières et qui plus est avec des enfants à bord, ils n'iront pas bien loin. Mais Eugène qui mène également trois fiers Cobs, me confie à demi-mot, sourire aux lèvres : « les jours où il fait grand soleil, on n'hésite pas à leur mouiller les pieds ». Retour ensuite sur la large bande de sable humide où les attelages redescendent vers le sud dans une demi-course où les cochers se dépassent et se frôlent pour faire sentir à chacun que le cheval est bien là, qu'ils le voient en train de les propulser à bonne allure sur le sable. Les meneurs sont également là pour militer « en faveur de la traction animale », « il est important de marquer les gens, si leur souvenir est bon, ils en parleront » confirme NorbertRetour au pas au milieu des rangées de tables à huîtres, le marnage est maintenant suffisamment important pour permettre l'accès : On observe, on présente, on discute, on fait de la pédagogie... Les enfants interrogent, mais l'épisode pluvieux les a rendus frileux, et pour l'occasion, la dégustation se fera à l'entrepôt ! Voilà bientôt deux heures que les chevaux sont au travail, mais à la vue de la cale, ils retrouvent de la vigueur car ils savent que la fin est proche. Du béton d'abord, puis un peu de bitume, et enfin le point de ralliement... Aussitôt Gérard, emmène le groupe d'enfants à l'abri pour leur expliquer les trois années de la vie d'une huître avant sa commercialisation... Les autres s'empressent de rincer abondamment les voitures pour les préserver de la corrosion. Même si elles sont majoritairement composées d'inox et de plastique, un tel investissement nécessite un précieux entretien. Retour au stockage des roulottes, les chevaux eux iront se rouler dans l'herbe dès le retour à la pâture, rien de tel ! C'est enfin au tour des visiteurs globalement émerveillés de s'en retourner dans leur immense autocar chauffé ou climatisé, et à n'en pas douter de fermer les yeux pour se croire « encore » tractés par ces courageux chevaux de trait au milieu de l'estran.